Le paysage politique haïtien à février 2001
Persistance de la crise politique
Solutions envisagées par Aristide
Evaluation des chances d’Aristide de réussir son pari
Analyse de la conjoncture politique haïtienne, avril 2002
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LES DEFIS AUXQUELS SERA CONFRONTEE LA NOUVELLE ADMINISTRATION DE FANMI LAVALAS

Citeé Soleil - Bidonville près de Port-au-Prince

Pour donner une idée de la tache herculéenne qui attend la nouvelle administration de Fanmi Lavalas, nous vous référons à l'article publié sur Internet le 15 janvier 2001, sous la plume de Jean Michel Caroit, reporter au journal Le Monde, dont nous extrayons les passages suivants : .

« Quinze ans après la fin de la dictature duvaliériste et la fuite de Jean Claude (Baby Doc) Duvalier vers la Côte d'Azur, Haïti n'en finit pas de sombrer dans la crise.

Economique, écologique, politique, institutionnelle, sécuritaire, cette interminable crise grossit l'exode des plus pauvres, qui n'hésitent pas à braver les tempêtes et les requins pour tenter de gagner les côtes de la Floride à bord de voiliers de fortune ou traversent par milliers, en bas fil (illégalement), la frontière avec la République dominicaine pour se faire exploiter sur les plantations agricoles ou les chantiers de construction.

Frêle esquif de Boatpeople haïtiens arraisonné par la US Navy
Poussés par la peur, la précarité de la vie quotidienne et l'absence de perspectives, les professionnels, les intellectuels et les chefs d'entreprises sont de plus en plus nombreux à abandonner Haïti. Après les touristes, qui ont depuis longtemps déserté les plages haïtiennes, nombre d'investisseurs ont plié bagages pour s'installer à Saint-Domingue ou rejoindre l'importante diaspora installée en Amérique du nord, à Montréal, à Boston, à New York et à Miami…
Au désastre économique s'ajoutent la violence politique entretenue par les groupes de " chimères ", de jeunes casseurs recrutés dans le lumpenprolétariat, et l'explosion de la criminalité, souvent lié au florissant trafic de la cocaïne. A aucun moment, Jean Bertrand Aristide n'a condamné les violences des " organisations populaires " et des " chimères " qui se réclament de lui…

Face au bilan désastreux du régime Lavalas au cours des dernières années, l'aide de la communauté internationale est indispensable pour réactiver l'économie et éviter une explosion sociale ou un nouveau déferlement de boat-people.

Haïti a subi de plein fouet la forte hausse des produits pétroliers. L'augmentation de plus de 40% du prix des carburants, en septembre 2000 a accéléré l'inflation, qui a atteint plus de 15% en 2000, près du double de l'année précédente. Les plus pauvres ont été particulièrement touchés par la flambée spéculative qui n'a pas épargné les produits de première nécessité comme le riz et l'huile.

Dans un rapport publié le 5 janvier 2001, le Fonds monétaire international (FMI) dresse un sombre bilan de l'économie haïtienne, soulignant que " la crise politique prolongée " a paralysé les réformes structurelles dans des secteurs cruciaux comme la justice, la sécurité ou la privatisation des entreprises publiques. Selon le FMI, tous les indicateurs sont au rouge, et la gourde, la monnaie nationale, s'est effondrée par rapport au dollar.

Les enfants sont les grandes victimes de cette situation calamiteuse. Selon l'UNICEF et la FAO, près de 10% des mineurs âgés de moins de quinze ans souffrent de malnutrition et plus de 250.000 enfants sont contraints de travailler pour survivre. Le système éducatif est en pleine décrépitude, et beaucoup de parents n'ont pas eu les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école lors de la dernière rentrée scolaire.
La situation est particulièrement préoccupante en ce qui concerne la santé publique. Le sida fait des ravages en Haïti, qui est le pays des Amériques le plus gravement touché par ce fléau. Plus de 100.000 Haïtiens sont morts du sida depuis l'apparition de l'épidémie et un nombre croissant de femmes et d'enfants sont porteurs du virus.

Dans ce contexte de misère extrême, la pression démographique accélère la dégradation de l'environnement. Bien qu'Haïti ait été épargnée par les cyclones l'an dernier, les inondations et les glissements de terrain ont fait plus d'une quarantaine de morts et des milliers de sinistrés. L'utilisation du charbon de bois pour la cuisine est l'une des causes principales du déboisement et de l'érosion qui réduisent chaque année la superficie de terres cultivables.

Depuis l'abattage massif des cochons créoles dans les années 80 à la suite d'une épidémie de fièvre porcine, beaucoup de paysans ont recours à la production et la vente de charbon de bois pour faire face aux dépenses imprévues ou aux situations difficiles. L'exode rural et l'urbanisation sauvage des montagnes surplombant les villes accentuent la crise écologique, qui constitue l'un des plus grands défis que devra affronter le nouveau gouvernement.»

Si nous avons reproduit ces passages du reportage de Jean Michel Cairot, c'est parce que, de notre point de vue, ils dépeignent sur le vif, de façon percutante, la réalité quotidienne de notre pays en ce début de l'année 2001 ou Jean Bertrand Aristide vient d'accéder une nouvelle fois à la première magistrature de l'état, et mettent en évidence les multiples problèmes auxquels il sera confronté durant les cinq années de son mandat. A ce propos, nous voudrions souligner que deux de ces problèmes sont : l'insécurité et le rationnement de l'électricité dans toutes les villes du pays.

L'insécurité qui paralyse le pays depuis plusieurs années, frappe de plein fouet l'activité commerciale - aussi bien dans le secteur formel que dans le secteur informel -, elle exacerbe le chômage et constitue un sérieux handicap à tout effort de développement de notre économie. En raison de cette situation, l'activité économique du pays est limitée à douze heures par jour (de 6 heures du matin à 6 heures du soir ) ; Port-au-prince, la capitale, n'a plus de vie nocturne, et il en est de même pour toutes les autres villes. Il va de soi, que ce temps mort quotidien dans la vie nationale représente un manque à gagner tant pour les propriétaires que pour les employés des boites de nuit et restaurants, sans mentionner les petites marchandes des rues, les laveurs de voitures, les chauffeurs de taxis, les camionneurs assurant la desserte des villes de province etc.

Pour ce qui a trait à la crise énergétique, même à Port-au-prince, la population ne reçoit en moyenne que quatre heures de courant par jour ; et il arrive souvent, que les familles, les entreprises commerciales et les établissements industriels sont privés d'électricité pendant quatre à cinq jours d'affilée. Dans un tel contexte, il est difficile de combattre l'insécurité, de penser à revitaliser notre industrie touristique moribonde, à augmenter notre production nationale, nos exportations et, par voie de conséquence, à inverser la position déficitaire chronique de notre balance commerciale.

. Il faut aussi rappeler, que cette carence d'énergie tout en nous taxant lourdement dans notre vie quotidienne, hypothèque l'avenir de nos enfants. Car, les écoliers, à défaut d'électricité, sont obligés d'étudier et de faire leurs devoirs à la lumière blafarde des chandelles ou à la lueur des lumignons ; une pratique qui comporte de graves dangers pour leur santé. Donc, à court et à moyen termes, elle aura inexorablement des incidences sur notre économie, laquelle devra supporter les charges additionnelles résultant de l'importation des verres de correction et des médicaments pour soins ophtalmologiques que notre pays ne produit pas.

Toutefois, par souci d'objectivité, nous devons rappeler que plusieurs de ces problèmes évoqués dans cet article sont récurrents ou d'ordre structurel ; ils ont existé bien longtemps avant l'arrivée au pouvoir de Jean Bertrand Aristide en février 1991, et leur résolution requiert la disponibilité de ressources financières dont le pays ne dispose pas pour l'instant.

L'on ne saurait, par conséquent, en attribuer la responsabilité au régime Lavalas. Par contre, pour les autres impedimenta qui freinent l'essor du pays et enlèvent le sommeil à nos concitoyens-la crise politique, la vie chère, l'insécurité, la corruption dans la police, dans l'administration publique et le système judiciaire, ainsi que la crise énergétique dans une certaine mesure, en font partie-, nous sommes en droit, et il est même de notre devoir, de demander des comptes au parti Fanmi Lavalas qui nous gouverne depuis bientôt sept ans.
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