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Palais présidentiel à Port-au-Prince |
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LES ELECTIONS DU 21 mai 2000Contrairement aux élections de 1995 et de 1997, auxquelles 5 à 10% seulement de l’électorat avait participé, plus de quatre millions d'haïtiens- environ 60% des électeurs - se sont rendus aux urnes lors des dernières élections législatives.
De l’avis des observateurs et de la presse en général, ces élections se sont déroulées dans un calme relatif, sans incidents majeurs. Ainsi, dans un premier temps, un satisfecit a été décerné par la communauté internationale au gouvernement haïtien, au CEP et à la Police Nationale. Quant aux candidats qui avaient participé à ces joutes électorales, dès la clôture des urnes, ils se sont précipités à la radio ou à télévision pour crier victoire et exprimer leur gratitude à la population qui les avait honorés de sa confiance. La presse internationale n’était pas non plus en reste. Sans même attendre la clôture des urnes, les correspondants étrangers s’emparaient des premières rumeurs pour annoncer au monde entier que la Fanmi Lavalas venait de gagner les élections par un raz de marée, s'assurant ainsi la majorité au parlement et, selon toute vraisemblance, la victoire aux élections présidentielles de novembre prochain. |
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RESULTATS DES ELECTIONS ET REACTIONS CONTRASTEES DES PROTAGONISTESCependant, dès le lendemain, c’est à dire à partir du 22 mai, cette euphorie fit place aux contestations et récriminations des partis de l’opposition, lesquels dénoncèrent les irrégularités graves constatées dans le dépouillement des urnes et dans la rédaction des procès-verbaux du 21 mai. Selon l’opposition, le gouvernement Préval, avec la complicité du CEP, aurait mis en place un dispositif visant à assurer le contrôle du parlement par la Fanmi Lavalas.
Ce dispositif, baptisé « opération chauve-souris » par l’opposition, aurait transformé les élections en une simple sélection des candidats de Fanmi Lavalas au parlement. Pour l’opposition, la preuve est désormais faite qu’il est impossible, sous le pouvoir actuel, d’avoir des élections crédibles dans le pays. De son point de vue, c’est la répétition des élections truquées de 1995 et de 1997. C’est un troisième fiasco électoral. En conséquence, l’opposition a demandé l‘annulation pure et simple de ces élections, et menacé de s’abstenir de participer au second tour fixé au 19 juillet 2000, si les choses devaient rester en l’état. Face à cette situation, la communauté internationale s'impatiente et les partis politiques de l'opposition se rebiffent. Ces derniers rendent le gouvernement en place responsable de la crise et exigent l'organisation des élections pour permettre au pays d'en sortir. La riposte de la Fanmi Lavalas ne s’est pas fait attendre. Par la voix de son porte-parole, Yvon Neptune, également candidat au Sénat pour le Département de l’Ouest, ce parti déclara avoir remporté au premier tour 16 des 19 sièges de sénateurs. Dans le même temps, des partisans de Fanmi Lavalas sont descendus dans la rue clamant la victoire de leur parti, dressant des barricades à différents points de la capitale, brisant les vitres des voitures, brûlant des pneus usagés et réclamant la publication immédiate des résultats des élections , le tout ponctué de vociférations et de menaces à l’encontre des partis d’opposition et de leurs candidats. Cette situation obligea les commerçants et les directeurs d'écoles à fermer les portes de leurs établissements, et la population à se cloîtrer chez elle. C’est dans cette atmosphère lourde de menaces que le CEP, après maintes hésitations, publia une semaine plus tard, les premiers résultats officiels des élections d’après lesquels le parti Fanmi Lavalas aurait gagné 16 des 19 sièges de sénateurs en lice. La réaction de l’opposition fut immédiate : elle publia dans la presse nationale et internationale toute une montagne de preuves étayant ses accusations de fraudes et d’irrégularités dont aurait été entaché le scrutin, rappela ses ministres participant au gouvernement dirigé par le Premier ministre Jacques Edouard Alexis, ainsi que ses représentants au CEP. En outre, l’opposition annonça son retrait du processus électoral et confirma sa décision de boycotter le second tour des élections fixé au 19 juillet 2000. Dans le camp de la Fanmi Lavalas, on était au comble de la joie. Ce parti, tout en continuant à savourer sa victoire du premier tour s’organisa pour le second et invita ses adversaires au dialogue. Cette invitation fut ignorée par l’opposition estimant qu'il n’y avait plus rien à négocier car, de son point de vue, Fanmi Lavalas avait déjà raflé toute la mise. Dans le même temps, l’opposition avait une autre priorité : la libération de plus d’une trentaine de ses membres dont une majorité de candidats à ces mêmes élections, appréhendés et incarcérés à travers tout le pays quelques jours avant la publication des résultats sous l’inculpation d’incitation à la violence et de complot contre la sûreté de l’état. |
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UN PAVE DANS LA MARE : LA LETTRE DU REPRESENTANT DE L’OEA AU PRESIDENT DU CEPLe 31 mai, une lettre adressée au CEP par le chef de la Mission d’Observation électorale de l’OEA en Haïti, l’Ambassadeur Orlando Marville , vint apporter de l’eau au moulin de l’opposition, en mettant en question les résultats partiels publiés par l'organisme électoral. D’après cette lettre : « …La révision des résultats annoncés par le CEP notamment des pourcentages attribués aux candidats, révèle une erreur grave qui a pour conséquence de fausser la répartition des sièges du Parlement. …La loi électorale établit de façon claire, dans ses articles 63 et 64, que, pour être élu au Parlement dès le premier tour, il faut détenir la majorité absolue du total des votes valides. » La lettre poursuit « nous avons analysé les données du CEP et nous sommes arrivés a la conclusion suivante :
Les chiffres attribués par la Direction des Opérations électorales indiquent que cette institution n’a pas respecté la procédure formulée dans les articles susmentionnés, et qu’elle a choisi d’additionner uniquement les votes d’un nombre restreint de candidats ayant obtenu le plus de voix. En conséquence, la Direction des Opérations a obtenu des pourcentages incorrects. Notre analyse signale que le parti politique Fanmi Lavalas est en avance dans tous les départements mais que, dans plusieurs d’entre eux, il doit y avoir un deuxième tour…ceci est une erreur grave qui, si elle n’était pas corrigée pourrait mettre en cause la validité de tout le processus électoral…Tout en attendant du CEP une correction rapide de cette situation en stricte conformité avec les dispositions de la Loi électorale… » En réponse à cette lettre, le président du CEP, Me Léon Manus, n’y est pas allé par quatre chemins. Enfourchant son cheval de bataille nationaliste, il qualifia les remarques de l’OEA « d’ingérence dans les affaires internes d’un pays membre », ce qui d’après lui, constituait une violation de la charte de l’Organisation ; il fit valoir que la méthode employée pour le comptage des votes aux élections sénatoriales du 21 mai 2000 était la même que celle utilisée pour les élections de 1990 qui ne donnèrent lieu à aucune objection de la part de l’OEA. Cette réponse convainquit d’autant moins l’OEA et les autres organismes de la communauté internationale que, quelques jours plus tard, Léon Manus se sauva et prit le chemin de l’exil. Dans une conférence de presse donnée à Washington où il s’était réfugié, M. Manus expliqua qu’il avait dû s’enfuir d'Haïti à cause des menaces de mort dont il faisait l’objet et pour échapper aux pressions du gouvernement haïtien qui voulait le forcer à entériner les résultats frauduleux des élections. Dans la foulée, il conforta la thèse de l’OEA quant au nombre des sénateurs du parti Fanmi Lavalas élus au premier tour. Les Nations-Unies, les Etats-Unis, la France, le Canada ainsi que de nombreux pays-membres de la communauté internationale appuient la position de l’OEA et menacent de mettre en oeuvre des sanctions contre Haïti, si des mesures ne sont pas prises par le gouvernement et le CEP pour corriger les irrégularités constatées dans ce scrutin. Le gouvernement haïtien ne l’entend pas de cette oreille ; il estime que le CEP est la seule instance habilitée à décider de la validité ou de l’invalidité des élections et campe sur ses positions. Ignorant les protestations des secteurs de l’opposition et les menaces de sanctions de la communauté internationale, il nomme des remplaçants aux membres démissionnaires du CEP, publie les résultats du scrutin dans le Moniteur (le journal officiel d'Haïti), organise le second tour des élections et procède à l’installation des nouveaux élus du parlement. |
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UNE CRISE QUI PERDURE ET LA PEUR QUI S’INSTALLEForce est de reconnaître que la crise haïtienne dont l’origine remonte à plusieurs années, n’est pas près de se terminer.
Pourtant, en février 1994, avec le retour à l’ordre constitutionnel, nous croyions à un renouveau pour le pays, à la fin imminente du long cauchemar dans lequel vivait le peuple haïtien. Attribuant les malheurs de notre pays à l’incurie, la mégalomanie, l’autoritarisme, la fourberie et la vénalité d’un grand nombre des anciens dirigeants, la grande majorité de nos concitoyens s'était mobilisée, prête à se serrer la ceinture, à rassembler ses énergies pour construire avec les nouveaux leaders cette nouvelle Haïti dont nous rêvions tous. Conscients des limites de nos possibilités et de la précarité de nos moyens, nous ne nous attendions pas au miracle. Tout ce que nous demandions à ces nouveaux leaders, c’était d’honorer leurs promesses, d’améliorer les choses, de rompre avec les anciennes pratiques de corruption, de dilapidation des deniers publics, de clientélisme, de violence aveugle et de violation des droits des citoyens qui ont caractérisé la plupart de nos gouvernements antérieurs. Nous sommes bien forcés de nous rendre à l’évidence qu’encore une fois, nos rêves se sont mués en cauchemar. Pour s’en rendre compte, il suffit de se référer aux cris désespérés de Daly Valet, ce journaliste de Radio Vision 2000 qui a dû d’abord se cacher, ensuite prendre le chemin de l’exil pour la simple raison que la teneur de ses éditoriaux quotidiens ne plaisait pas au pouvoir en place , aux messages angoissés de Micha Gaillard (un membre du Konakom, parti de sensibilité socialiste), nous disant que dans notre pays : « …Le silence s’installe comme à l’époque de Duvalier père…la peur s’installe comme à l’époque du macoutisme et du coup d’état militaire…la méfiance s’installe dans les foyers. Dans les différents lieux publics, les gens ne se parlent plus. Dans les associations civiques, dans les taxis collectifs et autres tap-taps, dans les quartiers populaires où la rue est considérée comme le salon du peuple, les conversations ne tournent plus autour de la conjoncture politique. Les messes basses reviennent. On a peur que les propos hostiles au pouvoir en place soient rapportés en haut lieu et que leurs auteurs en soient victimes. Ce réflexe se retrouve également chez les utilisateurs d’Internet. Certains de nos compatriotes présents sur le sol national modèrent leurs propos lors des débats sur les sites prévus à cet effet. Ces internautes craignent que les espions du pouvoir en place remontent jusqu’à eux en découvrant leur adresse électronique et qu'ils soient considérés comme des déstabilisateurs. On recommence à se parler par signes. Les témoignages des victimes, diffusés par la presse ou par les victimes elles mêmes, donnent des frissons dans le dos. S'ils n’ont pas encore atteint vos oreilles, alors ouvrez- les, et vous entendrez les cris sourds du pays qu’on enchaîne. Une nuit ténébreuse risque de tomber une fois encore sur Haïti. Que les dirigeants actuels en prennent conscience ! Que tous les citoyens des divers secteurs de la société agissent, dans leur sphère respective, pour arrêter cette descente aux enfers !…Sinon la confrontation deviendra incontournable aux dépens de tous et du pays. » ; En outre, nous reproduisons ci-dessous le manifeste intitulé " PROTESTATION CITOYENNE " publié par un groupe de 193 écrivains haïtiens résidant dans le pays, et endossé, quelques jours plus tard, par un autre groupe de plus d’une trentaine d’écrivains haïtiens résidant au Canada : << Nous, un groupe de citoyens, animés du souci d’éviter la chute de la communauté nationale dans un désastre irréparable, estimons qu’il est de notre devoir civique de prendre position publiquement pour : |
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Nous invitons toutes les femmes et tous les hommes du pays à se serrer les coudes pour barrer la route à l’option autoritaire et suicidaire, nous les convions à vaincre cette peur qui menace de bloquer toute tentative de construction d’une Haïti démocratique, à jamais plus libre dans la justice.>>
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Nous conclurons en évoquant un passage du rapport du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Kofi Annan, présenté à la cinquante-cinquième session de l’Assemblée Générale de l’Organisation : « …En dépit des inquiétudes pour la sécurité, les élections du 21 mai 2000, ont été marquées par un taux élevé de participation sans violence importante. Malheureusement, le processus électoral dans son ensemble a été caractérisé par un climat de violence et d’intimidation, une organisation déficiente et le mépris de la loi électorale lors du calcul de l’attribution des sièges au Sénat. Les principaux partis de l’opposition, considérant que ce premier tour avait été marqué par une fraude massive, ont refusé de participer à un éventuel second tour. De ce fait, la crise politique s’est aggravée, la tension s’est accentuée, les violences ont été plus nombreuses et l’installation éventuelle du Sénat risque, si la question fondamentale de la répartition des sièges n’est pas réglée, de jeter le doute sur la légitimité démocratique du Parlement et, par conséquent, de conduire la communauté internationale à reporter la fourniture de l’assistance financière dont Haïti a cruellement besoin d’urgence… ».
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