L’alimentation salutaire : une évidence problématique

2. Evidence épidémiologique, comportements et recommandations

2.1 L’épidémie mondiale d’obésité

Tout au long de l’histoire de l’humanité, la prise de poids a été considérée comme un signe de richesse et de bonne santé. Aujourd’hui, cependant, la surcharge pondérale et l’obésité sont devenus un problème mondial majeur de santé publique. L’obésité est une maladie chronique, qui existe dans les pays développés comme dans les pays en développement et qui touche les enfants comme les adultes. Elle est désormais si répandue qu’elle se substitue aux problèmes de santé publique traditionnels que sont la dénutrition et les maladies infectieuses (OMS. 2003 (1) ; 2).

Photo : Le Collectif national des associations d'obèses de France (Cnao) a lancé en mai 2005 une campagne de sensibilisation à ce problème de santé publique. L'affiche, qui se veut provocatrice, n'a pas été appréciée de tous.

On définit l’obésité par une accumulation anormale ou excessive de graisse dans les tissus adipeux, pouvant engendrer un problème de santé. On distingue deux types d’obésité : d’une part, l’obésité dite « androïde », présentant un risque augmenté pour la santé, où la répartition de l’accumulation de graisse se situe en particulier autour de la ceinture abdominale (dépôts de graisse intra-abdominaux) et d’autre part, l’obésité dite « gynoïde », moins grave, dans laquelle la graisse est répartie plus uniformément. L’indice de masse corporelle (IMC) [1] est la mesure la plus utile, bien que grossière, communément admise pour estimer la prévalence de l’obésité et les risques qui y sont associés dans une population.

Cependant, l’IMC ne différencie pas la répartition des graisses dans l’organisme et ne tient pas compte des différences de risques entre individus. Un IMC entre 18.5 et 24.99 définit un poids normal. En cas d’IMC entre 25 et 29.99 on parle de surpoids ou de surcharge pondérale. Une personne avec un IMC de 30 et plus est considérée comme obèse (on peut parler aussi d’adiposité). Chez les adultes, l’IMC n’augmente que très lentement avec l’âge, c’est pourquoi il vaut pour toutes les classes d’âge. Par contre, chez les enfants, l’IMC se modifie selon les âges, l’indice doit donc être évalué au moyen de courbes de références établies en fonction de l’âge (OMS. 2003 (1) ; 7-14).

Du point de vue économique, on estime que l’obésité coûte aux services de santé 7% de leur budget total affecté aux soins de santé et le pourcentage total d’années de vie perdues en raison d’une mauvaise alimentation et d’un manque d’activité physique s’élève à 9.6% contre 9% pour le tabagisme (OMS. 2001 ; 10-11). Selon l’étude effectuée par HealthEcon (Suissebalance) pour le compte de l’OFSP, les coûts engendrés par la surcharge pondérale et l’adiposité ainsi que par les maladies qui y sont liées se montent, en 2001 en Suisse, à près de 2.7 milliards de francs (entre 2.153 et 3.229 milliards par an).

La prévalence de l’obésité dans les pays européens se situe entre 10 et 20% chez l’homme et entre 10 et 25% chez la femme (OMS. 2003 (1) ; 29). En Suisse, plus de 37% de la population adulte de plus de 15 ans, soit 2.2 millions de personnes (plus de 45% des hommes et plus de 29% des femmes) accusent un poids corporel trop élevé. Parmi elles, près de 8% sont obèses (à peu près autant d’hommes que de femmes) (OFS). En comparaison à l’enquête sur la santé de 1992-1993, qui fut la première du genre, on constate une progression significative du phénomène. Dix ans auparavant, 39% des hommes et près de 22% des femmes étaient en surpoids. De surcroît, tous ces chiffres sont en-deçà de la réalité. En effet, la littérature montre que les non-réponses dans les enquêtes de santé proviennent de personnes de couches sociales plus basses et dont les taux de mortalité et de morbidité sont plus élevés (Eichholzer. 1999 ; 355).

Toujours en Suisse, en 2002, selon les méthodes, la prévalence de la surcharge pondérale et de l’obésité chez les enfants de 6-12 ans est la suivante :

 
Surcharge pondérale
Obésité
Garçons
16.6% - 19.9%
3.8% - 7.4%
Filles
19.1% - 18.9%
3.7% - 5.7%

En comparaison avec les études précédentes, ces résultats suggèrent que la prévalence du surpoids et de l’adiposité ont plus que quintuplé depuis le milieu des années 80 (Zimmermann. 2004) !

Le risque de reporter ce problème à l’âge adulte est élevé. Une étude des USA montre que le risque pour un enfant obèse de développer de l’obésité à l’âge adulte approche les 80%. De même, selon une autre étude, des régimes hypocaloriques et des fluctuations récurrentes de poids pendant l’enfance ont une influence sur des prises de poids excédentaires à l’âge adulte (Zimmermann. 2000).

En ce qui concerne la répartition du surpoids et de l’obésité selon les couches sociales, on constate que les personnes dont le niveau de formation est bas sont plus sujettes à l’excès de poids. Cette différence est nettement plus marquée chez les femmes (Eichholzer. 2000 ; 260- 261).

Suite...
2. Evidence épidémiologique, comportements et recommandations
    2.2 Alimentation et santé
3. L’espace social alimentaire et le système alimentaire (source : Poulain; 221-244)
4. L’évolution des habitudes alimentaires
5. Du paradoxe de l’homnivore à la gastro-anomie
Bibliographie

Claude Bezençon. Avril 2005

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