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L’Unicef s’alarme de « la plus grave crise jamais vue » touchant des enfants, le marché noir s’installe et la dette étrangle un pays déjà moribond.
L’insoutenable bilan, plus de 200.000 morts en Haïti

6 février 2010           
                                 

Loi d’airain de toute catastrophe : l’attention, voire l’intérêt, médiatique est inversement proportionnel à la distance et au temps qui passe. Après le tsunami de reportages, les articles consacrés à Haïti n’occuperont bientôt plus qu’une brève alors que le pays compte ses morts et reste plongé dans le chaos. Le Premier ministre, Jean-Max Bellerive, a indiqué que le séisme du 12 janvier avait causé la mort d’au moins 200.000 personnes. Le chef du gouvernement a en outre fait état de 300.000 blessés et d’au moins 4.000 amputations. Il ne s’agit malheureusement que d’estimations basses, auxquelles il faudrait encore ajouter le million de sans-abri, les malades, et ceux qui seront sauvés de l’horreur en sombrant dans la folie.

Les orphelins, proies des illuminés

Puisque ce qui reste de vie doit continuer, il faut urgemment et sans répit songer aux survivants. Haïti constitue ainsi « la plus grave crise de protection des enfants jamais vue » en raison du grand nombre d’orphelins et d’enfants séparés de leurs parents, estime l’Unicef. Près de 40 % des Haïtiens ont moins de 14 ans. Avant le séisme, 300.000 gamins vivaient dans des orphelinats. Inutile de préciser que le nombre de leurs camarades d’infortune promis à un avenir radieux a littéralement explosé après la catastrophe. Et le malheur excite les illuminés comme le sang attire les mouches. Jeudi, dix baptistes américains, arrêtés vendredi dernier avec 33 enfants âgés de 2 mois à 14 ans qu’ils tentaient d’enlever, ont été déférés devant le parquet qui doit décider d’éventuelles poursuites.

Marché noir

Erratique, la distribution de l’aide alimentaire s’effectue dans un climat de tension extrême. Depuis le week-end dernier, pour s’assurer que la nourriture va aux familles qui en ont besoin, les agences humanitaires font appel aux militaires, qui remettent des sacs de 25 kilos de riz aux femmes qui produisent des cartes de rationnement. En dépit de ces mesures, le marché noir prospère. Des vendeurs clandestins proposent la tasse de riz provenant de l’aide humanitaire à un demi-dollar, dans un pays où trois quarts de la population vivaient avec mois de deux dollars par jour… du temps béni d’avant la catastrophe.

Annuler la dette

Aujourd’hui moribond, le pays était déjà exsangue, croulant sous une dette de 890 millions de dollars, contractée à 41 % auprès de la banque interaméricaine de développement et à 27 % auprès de la Banque mondiale. L’expert indépendant de l’ONU sur la dette étrangère, Cephas Lumina, a certes salué la décision du Club de Paris (un groupe informel de 19 pays créditeurs) d’annuler les 214 millions de dollars de dette dus par Haïti. Insuffisant, toutefois, l’expert plaidant désormais pour une « annulation immédiate de la totalité de la dette ». Le FMI vient, lui, de décider du contraire en approuvant un crédit (sans intérêt) de 114 millions de dollars, qu’il faudra bien rembourser à terme !

Bien du courage, donc, à l’ancien président américain Bill Clinton, actuellement représentant spécial de l’ONU pour Haïti et auquel le secrétaire général de l’organisation vient de demander de coordonner l’aide internationale. L’ex-locataire de la Maison-Blanche sera de retour à Port-au-Prince aujourd’hui afin de préparer la prochaine réunion des pays donateurs qui se tiendra au siège des Nations unies à New York. Le 17 janvier, Clinton devrait lancer un nouvel appel de fonds, après les 575 millions de dollars promis à l’ONU dont plus de 80 % auraient déjà été collectés. Messieurs les chefs d’Etats, à votre bon cœur !