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PORT-AU-PRINCE, 9 sept (AFP) - Haïti est confronté depuis quelques semaines à un retour sur le devant de la scène d’anciens militaires, qui prennent possession de bâtiments publics dans le pays, cherchant à faire rétablir une armée dissoute en 1995.
Dans plusieurs villes, des ex-militaires, en treillis, armés et se déplaçant dans des véhicules au logo Fad’H des anciennes Forces armées d’Haïti, font des démonstrations de force, occupent des commissariats, et réclament le paiement de soldes sur dix ans.
Ces individus, souvent âgés de plus de 40 ans, sont les mêmes qui avaient contribué à l’éviction le 29 février du président Jean Bertrand Aristide, en s’emparant de plus de la moitié du pays.
Mercredi, le Premier ministre Gérard Latortue a appelé les Haïtiens au calme, affirmant sa volonté de trouver une solution négociée. "C’est une affaire illégale, une provocation", a-t-il dénoncé, tout en soulignant que son gouvernement avait décidé "de ne pas faire usage de la force".
L’Onu, présente en Haïti depuis juin avec une mission de stabilisation, lui a réitéré son soutien. Mais sa force de Casques bleus compte moins de 3.000 hommes sur les 6.700 prévus à l’origine. Elle comprend notamment 1.198 Brésiliens, 573 Uruguayens et 486 Argentins, en majorité déployés dans la capitale et dans quelques grandes villes.
Profitant de cette faiblesse, les anciens militaires occupent et gagnent du terrain. Depuis deux semaines, ils ont leur quartier-général à Petit-Goave, à 70 km au sud-ouest de Port-au-Prince. Un ancien sergent, Ravix Remissainthe, s’est autoproclamé commandant en chef et réclame au gouvernement le paiement de pensions et de dix années de salaires.
Mercredi, les policiers de Mirebalais (est) ont abandonné leur poste, aussitôt repris par d’ex-militaires. Ces derniers ont enlevé un policier en représailles à la mort mardi à Port-au-Prince de deux des leurs, tués lors d’un accrochage avec une patrouille de police près des bureaux du Premier ministre.
La police a demandé dans un communiqué "aux anciens militaires de mettre fin à leur campagne d’intimidations et de provocations et d’emprunter la voie de la sagesse et du dialogue". Elle a précisé avoir renforcé la sécurité des commissariats.
D’autres ex-soldats sont présents à Jacmel (sud-est) et au Cap-Haïtien (nord), où ils assurent de facto la sécurité, de concert avec des policiers.
A Gonaïves et à Saint-Marc, dans l’ouest, des soldats argentins de la Minustah sont récemment intervenus avec la police locale pour déloger un groupe d’ex-militaires qui occupaient un bâtiment public et un centre hospitalier.
Le président haïtien par intérim, Boniface Alexandre, a rejeté la demande de paiement de salaires aux ex-militaires, faisant valoir qu’ils n’avaient pas assuré leur service entre 1994 et 2004. Il a toutefois laissé la porte ouverte à des discussions sur les pensions.
Gérard Latortue a annoncé la semaine dernière la formation d’une commission chargée "d’initier le dialogue avec les anciens militaires". Il a toutefois précisé que la question de la réhabilitation de l’armée devait être traitée par le gouvernement qui sortira des élections générales prévues en 2005.
L’ancienne armée d’Haïti comptait environ 7.000 hommes. Elle prenait une bonne part du budget du pays le plus pauvre du continent américain et avait une grande influence pour faire et défaire le jeu politique.
Depuis mars, une centaine d’anciens militaires ont été engagés dans la police, où ils suivent notamment une formation sur les droits de l’homme.
Le nouveau pouvoir a ordonné un désarmement des groupes armés. Mais ces derniers ont rétorqué que la Constitution de 1987 prévoyait toujours une armée, même si celle-ci a été dissoute en 1995 par Aristide.
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