Oriel Jean est arrêté et incarcéré à Toronto (Canada) puis remis aux autorités américaines en mars 2004
Multiples arrestations de proches d’Aristide soupçonnés de trafic de drogue

9 juin 2004           

MIAMI (Etats-Unis), Les Etats-Unis multiplient les enquêtes sur des trafics de drogue présumés impliquant de hauts fonctionnaires du gouvernement de l’ex-président haitien Jean Bertrand Aristide, dont cinq sont déjà détenus en Floride (sud-est) dans l’attente d’inculpations.

L’ex-président Aristide a quitté Haïti le 29 février, sous la pression des Etats-Unis, de la France, et d’insurgés armés. Il est depuis lundi en Afrique du Sud et ne désespère pas de retourner un jour dans son pays.

En Floride, les responsables américains refusent de dire s’il pourrait être concerné directement par les enquêtes, comme l’a suggéré un journal de Miami.

"Pas de commentaire" à ce sujet, a indiqué à l’AFP Joe Kilmer, porte-parole à Miami de l’agence fédérale américaine de lutte contre le trafic de drogue (DEA).

Haïti, qui se partage avec la République Dominicaine l’île d’Hispaniola dans les Caraïbes, est utilisé depuis longtemps comme plaque tournante par des trafiquants haïtiens et colombiens pour acheminer de la drogue aux Etats-Unis.

Depuis le départ d’Aristide, la DEA met les bouchées doubles, en collaboration avec la police haïtienne, pour démanteler des réseaux en Haïti, impliquant des personnalités très proches de l’ancien régime.

Les cinq hommes détenus à Miami sont ainsi tous d’anciens collaborateurs de l’ex-chef d’Etat.

Jean-Marie Fourel Celestin, ex-président du Sénat haïtien, est depuis mardi en Floride. Recherché, il s’était présenté volontairement à l’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince, d’où il a été acheminé aussitôt à Miami par des agents de la DEA. Ancien médecin militaire et ex-colonel de l’armée haïtienne, il est considéré comme un fidèle de la première heure d’Aristide.

Un ex-directeur général de la police haïtienne du président déchu, Jean Nesly Lucien, a été interpellé le 26 mai à Miami. Ex-membre de la sécurité rapprochée d’Aristide, c’est aussi une personnalité très proche de l’ancien régime qui devrait être mis en cause dans un trafic de drogue.

Le même jour, l’ex-responsable du Bureau de lutte contre le trafic des stupéfiants (BLTS) sous le gouvernement d’Aristide, Evens Brillant, était expulsé vers les Etats-Unis, après avoir été interpellé par la force multinationale intérimaire (Etats-Unis, France, Canada, Chili).

Deux autres anciens hauts fonctionnaires ont également été accusés de trafic de drogue : l’ex-chef de la sécurité présidentielle, Oriel Jean, détenu aux Etats-Unis depuis son extradition du Canada en mars et qui nie toute implication ; et Rudy Therassan, ex-commandant de la police nationale haïtienne, incarcéré depuis le 14 mai à Miami.

Fin février, juste avant le départ précipité de Jean Bertrand Aristide d’Haïti, un trafiquant de drogue détenu aux Etats-Unis, Beaudoin "Jacques" Ketant, avait accusé l’ancien président d’être étroitement mêlé au trafic de drogue international.

Un avocat de l’ancien président, basé à Miami, Ira Kurzban, avait rejeté ces accusations, affirmant qu’elles avaient pour but d’"assassiner politiquement" son client.

En avril, le quotidien Miami Herald avait indiqué que les enquêteurs américains cherchaient à savoir si Aristide n’avait pas bénéficié financièrement du trafic de drogue dans son pays. Certains de ses proches auraient déposé 250 millions de dollars dans des banques européennes, selon des informations non confirmées.

"Les investigations en sont à un stade initial et il est prématuré d’en tirer des conclusions concrètes", avait toutefois indiqué au journal un responsable américain sous couvert d’anonymat.

Au cours des dernières semaines, d’autres personnalités ont également été arrêtés dans l’île d’Hispaniola : un sénateur de l’ex-parti au pouvoir Famille Lavalas, Yvon Feuille, interpellé le 19 mai, et une ex-haut responsable de la police haïtienne sous le régime Aristide, Hermione Léonard, arrêtée le 2 juin en République Dominicaine.