Peinture, Spiritualité, Convivialité, Compas

Tap-tap

De Carrefour à Cité Soleil, en passant par Delmas, des centaines de camionnettes colorées sillonnent les rues, parfois à folle allure, parfois au pas, selon les caprices du trafic et assurent un semblant de transport de la population pour quelques gourdes. Ce sont les Tap-Taps, créations picturales authentiques où chaque véhicule porte la signature de l'artiste.

Ces oeuvres d'art aux couleurs harmonieusement agencées font tout à la fois référence au divin et aux esprits protecteurs. Les invocations telles que : « Bon Dieu bon », « louange à l'Eternel », « Merci Jésus », reproduites sous toutes les couleurs sont censées protéger contre le malheur et les accidents de la route.

Indisciplinés, les chauffeurs de ces camionnettes mettent souvent en danger les usagers de la route de même que leurs propres passagers. Ils ne respectent aucune règle de circulation et ne lésinent pas sur le klaxon rythmé et mélodique. Ils rivalisent de charme pour séduire le potentiel passager. Toutefois, aux heures de pointe, ce dernier, lassé par une longue attente sous le soleil, finit par se laisser aller à l'agressivité, bousculant sans aucune retenue femmes, vieillards et enfants.





Mais, comme le chante l'Orchestre Tropicana, souvenons-nous humblement que nous ne sommes que des passagers sur terre comme dans les camionnettes. Nous nous en remettons au chauffeur, alors que lui s'en remet à plus Grand que lui. Foi qu'il exprime tout bonnement en ces termes : « Seigneur, je tiens le volant, mais c'est toi qui conduis ».

Coincés sur les banquettes, somnolants ou parfois engagés dans des discussions enflammées, les clients transforment le tap-tap en véritable cercle publique de critique sociale et politique, où la verve créole des proverbes fait ressortir toute la richesse de l'imagination populaire haïtienne. Les jambes pliées, recroquevillées, l'échine courbée et immobile durant d'interminables heures, les passagers sont ballotés au gré des excavations de la route. Toutefois, malgré l'inconfort, le plaisir d'écouter les derniers succès du Compas demeure entier. Les décibels martèlent le cœur à l'instar d'un tam-tam africain. Epi that's it ! Min Konpa-a ! Voyé konpa monté !

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