Et...quand la barbarie s'en mêle

Scène de pillage des 4/4 de la Police


L'entrevue d'Aristide avec Anderson Cooper à CNN a été un tissu de contradictions entre le dire et le faire, entre les réponses d'Aristide et les images télévisées de la réalité. Pire, Aristide a insisté sur le reniement de ses supporteurs. Il les a traités de menteurs, de tugs armés, qui ne défendent pas sa cause. Il a sollicité l'aide étrangère pour professionnaliser sa police et désarmer ses chimères. Quand Anderson Cooper lui a demandé d'énumérer ses réalisations, il a répondu bêtement, " La paix! " Alors que l'image télévisée simultanément, était celle des flammes entre-coupées, de rafales d'armes automatiques, des policiers en tenue de campagne, casques, gilets pare-balles, fusils, lances grenades etc. Une contradiction totale avec la réalité.


Il y a eu aussi les images de la contradiction entre une situation d'espoir et d'engouement, en octobre 1994 et une décennie plus tard, celle du désespoir et du rejet, en février 2004. Situation qu'Aristide a feinte d'ignorer, n'ayant pas eu l'audace de l'expliquer. Cependant il tient à s'accrocher au pouvoir jusqu'au 7 février 2006, évoquant le respect du principe " One man, one vote "


Ce principe s’applique exclusivement pour le mécanisme de la conquête du pouvoir, les élections. C’est le respect du droit de chaque citoyen de voter et le respect de l’expression de la volonté générale. Ayant conquis le pouvoir, la Constitution ne garantit nullement l’inamovibilité du président de la république. L’article 149 de la Constitution qui traite de la vacance présidentielle, dit clairement : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit (…) » Ce qui signifie qu’il n’y a aucune restriction concernant les causes qui peuvent provoquer la vacance présidentielle.


De plus, concernant le processus d’interpellation par la Haute Cour de Justice, l’article 186 dit clairement : « La Chambre des Députés, à la majorité des 2/3 de ses membres, prononce la mise en accusation : du Président de la République pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions. (…) »


L’article 186 de la Constitution ne fait pas du processus d’interpellation le moyen exclusif de la provocation de la vacance présidentielle, ni n’établit pas non plus une liste exclusive de cause pouvant provoquer l’interpellation. Il n’y a pas non plus une relation exclusive ou automatique de cause à effet entre l’article 186 et l’article 149. On peut causer une vacance présidentielle en appliquant l’article 186, mais ce n’est pas le moyen exclusif pour provoquer une vacance présidentielle.


On s’est plaint pendant longtemps, que les grandes firmes de télévision ignorent volontairement la crise haïtienne, parce qu’il n’y a pas de gisement de pétrole en Haïti etc. Le mercredi 4 février la mise en scène de cette très courte présentation, d’environ 5 à 10 minutes, « in Prime Time », a causé des dommages très sévères et irréversibles à l’image d’Aristide et de son régime, dans l’opinion mondiale. Cette mis en scène s’est concentré à mettre en exergue les contradictions de l’incompatibilité de ce régime anarcho-populiste avec le régime démocratique et l’état de droit, que prescrit la Charte Démocratique de l’OEA. La synchronisation des images télévisées avec les questions et réponses de cette entrevue, constitue une orchestration pour préparer l’opinion publique, en vue de la chute très prochaine du régime lavalas.


Alors que partout, à la télévision, à la radio et sur les journaux, on est en train de démontrer l’inacceptation du régime lavalas et de son leader au sein des Amériques, qu’on est à la veille d’une scission, des villes des départements de l’Artibonite, du Nord Est et du Nord Ouest, tombent sous le contrôle de la population, le CARICOM et la Conférence Episcopale veulent forcer le peuple haïtien à s’engager dans la voie de la compromission avec l’inacceptable, au nom de la passation pacifique du pouvoir et du respect du mandat présidentiel. Si le mandat collectif des gouvernants lavalassiens est le résultat de suffrages contestés imposés par la force, que dire aujourd’hui du respect de l’expression incontestable de la volonté générale de vouloir s’en débarrasser.


La respectabilité d’un mandat en démocratie, est proportionnel à sa légitimité politique. Alors que l’imposition d’un mandat en régime dictatorial et totalitaire dépend uniquement de sa capacité de répression, « Le pouvoir au bout du fusil. » C’est le rapport de forces, qui impose le respect du mandat, c’est vrai, dans ces deux contextes dont les règles sont totalement différentes. Le cas échéant c’est le contexte démocratique qui a la priorité. La légitimité politique doit l’emporter sur la capacité de violence. Dire d’une part que l’on veut éviter le bain de sang, que menacent tous les grands ténors lavalassiens et même des prêtres, est une attitude apparemment morale et humaine. Mais de l’autre, œuvrer pour la pérennisation du pouvoir de ce régime qui menace d’égorger le peuple pour s’accrocher au pouvoir est indubitablement immoral et inhumain. Prétendre d’être dans l’embarras du choix, prolonger l’hésitation, l’incertitude et l’indécision, contribuent aussi par défaut à la pérennisation de ce pouvoir violent et répressif. Messieurs de la Conférence Episcopale, dans ce cas, ne rien faire est aussi désastreux que de faire du mal, mais encore pire, c’est de la lâcheté !


Frustré, impatient, anxieux, et aux abois, le peuple haïtien se doit d’être prudent, quant aux solutions de sortie de crise, qui lui sont imposées. Il se doit de comprendre les origines et les intérêts politiques de ceux qui les proposent. Nombreux sont ceux qui sont prêts à accepter n’importe quoi, pourvu qu’Aristide s’en aille immédiatement. Il n’y a pas qu’Aristide qui soit le problème. C’est ce que certains veulent faire croire, pour proposer des solutions qui ne sont qu’une tentative de la politique « après nous c’est nous, sans Aristide. » Il y a une tendance à vouloir donner un vernis constitutionnel aussi mince qu’il puisse être, à toute solution bancale, pour qu’elle soit acceptable. Il faut se rappeler que la mauvaise gestion du post-Duvalier nous a valu le régime anarcho-populiste lavalassien.


La confrontation sans trêve entre les deux extrêmes, pendant 8 ans, de 1986 à 1994, s’est soldée par la destruction et la dissolution de l’armée, le cheval de combat de l’extrême droite et le triomphe de l’extrême gauche. Certains veulent, l’expliquer par l’action naturelle de l’effet pendulaire, passant d’un extrême à l’autre. La vérité, c’est que le post-Duvalier n’a jamais été géré. Le laisser aller de la « Bamboche démocratique », qui n’était autre qu’une absence totale de la manifestation de la volonté politique de gérer cette période de transition pour l’établissement réel des bases essentielles à l’implantation de la Démocratie représentative a contribué à nous maintenir dans l’ornière du populisme pendant prés d’un demi-siècle. Aujourd’hui, 18 ans après, nous sommes encore exposés à ce même risque, avec la Démocratie Populaire, qui n’est autre que le populisme, le cannibalisme de la Démocratie représentative. Cette forme est épousée par l’extrême gauche aujourd’hui, depuis l’effondrement du bloc soviétique, comme le moyen préférentiel de gestion dans leur lutte pour la conquête du pouvoir.


La nécessité d’une gestion intelligente et clairvoyante de cette période de transition, s’impose pour précisément éviter l’effet pendulaire, l’attraction des extrêmes, dans un cadre politique à tradition autoritaire, et forcer la marche difficile vers le centre démocratique, qui est le but à atteindre. L’implantation du régime de la Démocratie représentative se gère, se forge et se développe. Bien que l’aspiration à toutes les libertés et à tous les droits qu’offre la Démocratie représentative, soit naturelle chez l’homme.


L’établissement de ce régime exige une détermination, une volonté et une foi politique inébranlables. De fait c’est le régime le plus difficile à établir et à gouverner. La société étant un nœud de conflits, maintenir la cohésion sociale par le consentement, exige le respect strict des normes, des règles et des principes fondamentaux de la négociation du bien commun au sein du corps législatif, où se rencontre toute la mosaïque des courants d’intérêts économiques et sociaux et l’établissement de la suprématie de la loi par le pouvoir judiciaire en collaboration avec le pouvoir exécutif.


Certes on peut élire n’importe qui. C’est la responsabilité de chaque citoyen de faire un choix libre, judicieux et non « népotique », en votant. C’est le devoir et la responsabilité des gouvernants de respecter l’expression de la volonté générale. Les élections organisées avant, pendant et après l’éclatement de la nébuleuse lavalassienne, ont été toutes confisquées (1995), annulées (1997) ou contestées (2000).

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