Femmes d'Haïti

Educatrices en croisade


«Jusqu'en 1848, les lois et les arrêtés relatifs à l'enseignement n'avaient jamais fait mention d'une facon spécifique de l'instruction des jeunes filles... A partir de 1848, on commença à prendre en considération l'éducation des filles et l'arrivée des religieuses françaises en 1864 aida beaucoup au développement de l'enseignement féminin» (1)

Maurice Dartigue

Répondant comme pour les services sociaux à un besoin impérieux et fondamental auquel, tout compte fait, l'Etat semble résolument faire la sourde oreille, très tôt, se dessinera en Haïti, par le biais de l'initiative privée, un engouement tout féminin pour l'éducation, lequel en s'accroissant, tendra au fil du temps à faire de ce domaine également riche de retombées sociales, un nécessaire apanage. La liste est longue, en effet, de ces femmes qui s'y sont engagées et dont il serait injuste de ne pas retenir quelques noms:

Marie Jeanne Mazère, dame Pélagie Varin, qu'à sa mort en octobre 1817 l'Abeille haïtienne présente comme «l'une des plus anciennes institutrices de Port-au-Prince»;

Charlotte Létang-Labossière (Mme Altidor Varret), 1819-1901 qui fonda chez elle, dans la ville des Cayes, une école maternelle et primaire qu'elle dirigera toute sa vie;

Cléo Rameau, encore aux Cayes, qui prendra vers 1860 la succession de l'école de Mme Saint-Clair de Brenneville puis la direction du Pensionnat national de demoiselles des Cayes;

Marie-Rose Léodille Delaunay (Mme Belmour-Lepine), 1827 -1906, qui fonde en 1850 une école mixte et l'Institution Mont-Carmel, le meilleur établissement secondaire laïque d'Haïti qu'elle dirige de main de maître jusqu'en 1903;

Antoinette Dessalines (Antoinette Pierrot), fille adoptive de Claire-Heureuse, dont une école de filles à Saint-Marc porte encore le nom en témoignage du don total qu'elle a fait d'elle à l'enseignement;

Mme Etienne Bourand (Annie Desroy) (1891 -1957), qui nous dotera en 1934 du premier collège féminin du pays, le Centre d'Etudes Universitaires d'Haïti. Ce collège qui offre alors des cours d'anglais, d'espagnol, de sténo-dactylo, de coupe, d'art ménager, de solfège et de chant... survit très peu à sa fondation;

On peut encore citer Caroline Chauveau, Erima Guignard, Mme Lucie Paret, Célie Lilavois, Eugénie Pierre, autant de noms aujourd'hui enfouis, et qui, à une époque où l'absence d'encadrement conférait à l'enseignement une allure de défi —l'École normale n'ouvrira ses portes qu'en 1914!—, se sont distinguées, par leur engagement à faire de l'éducation un véritable sacerdoce, maintenant haut un flambeau que plus près de nous entretiendront avec une ardeur renouvelée Fortuna Guéry, Rose Lhérisson-Michel, Marie-Thérèse Colimon-Hall parmi tant d'autres.

(1) Maurice Dartigue, L'Enseignement en Haïti (1804 - 1938)

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

www.haiticulture.ch, 2005