Ruban rouge Organisation Mondiale de la Santé
LES FEMMES ET LE SIDA

Sida et le jeunes adultes

UNAIDS


Rapport sur l’épidémie mondiale de SIDA 2004


Extrait

L’épidémie de SIDA frappe toujours davantage de femmes et de filles. A l’échelle mondiale, un peu moins de la moitié de toutes les personnes vivant avec le VIH sont de sexe féminin. Dans la plupart des régions, une proportion croissante de personnes vivant avec le VIH sont des femmes et des jeunes filles et cette proportion continue de s’accroître, notamment en Europe orientale, en Asie et en Amérique latine.

C’est dans les régions où les rapports hétérosexuels sont un mode dominant de transmission du VIH, comme en Afrique subsaharienne et aux Caraïbes, que le SIDA touche le plus gravement les femmes. Les femmes et les jeunes filles représentent près de 57% des adultes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne (voir pages 19-30). Globalement, trois quarts de toutes les femmes vivant avec le VIH dans le monde se trouvent dans cette région. Selon une récente enquête dans les ménages, les femmes adultes en Afrique subsaharienne ont 1,3 fois plus de risque d’être infectées par le VIH que leurs homologues masculins (ONUSIDA, 2004). C’est parmi les jeunes femmes de 15 à 24 ans que cette inégalité est la plus importante : leur risque d’être infectées est trois fois plus élevé que celui des jeunes hommes du même âge.

Examiné en détail, le tableau est particulièrement inquiétant. En Afrique du Sud, en Zambie et au Zimbabwe, par exemple, les jeunes femmes (entre 15 et 24 ans) ont de trois à six fois plus de risque d’être infectées que les jeunes hommes (Zambia Demographic and Health Survey, 2001-2002 ; Zimbabwe Young Adult Survey, 2001-2002). Plus de trois quarts de tous les jeunes vivant avec le VIH dans ces pays sont des femmes (Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, 2003 ; Reproductive Health Research Unit et Medical Research Unit, 2004). Les femmes constituent près de la moitié des 420000 [260000-740000] adultes vivant avec le VIH aux Caraïbes, où les jeunes femmes de 15 à 24 ans ont près de deux fois plus de risque d’être infectées que les jeunes hommes (ONUSIDA, UNIFEM, UNFPA, 2004) (voir pages 31-35).

Dans d’autres parties du monde, la plupart des infections à VIH sont provoquées par l’injection de drogues au moyen de matériel contaminé, par les rapports sexuels non protégés entre hommes et par le commerce du sexe sans protection. Mais il est imprudent de penser que ces épidémies sont limitées à des populations particulières. La plupart des consommateurs de drogues injectables sont jeunes et nombre d’entre eux sont sexuellement actifs, risquant une double exposition au virus. Dans certains pays, notamment en Asie et en Europe orientale, une proportion importante des professionnel(le)s du sexe s’injectent également des drogues. La plupart des clients masculins des professionnel(le)s du sexe ont d’autres partenaires sexuels, y compris leurs épouses et leurs amies régulières. Dans chaque région, une importante proportion des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes en ont également avec des femmes. Aucun aspect de la pandémie de SIDA ne peut être pris isolément. Au fur et à mesure de l’implantation des épidémies de SIDA, le nombre de femmes infectées va en augmentant.

Les femmes représentent 36% des 1,7 million [1,3-2,2 millions] d’adultes vivant avec le VIH en Amérique latine, où l’épidémie s’est en grande partie installée parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les consommateurs de drogues injectables (voir pages 57-61). Maintenant qu’un nombre accru de femmes en Europe orientale et en Asie centrale contractent le virus lorsqu’elles utilisent du matériel contaminé pour s’injecter des drogues et par leurs partenaires masculins qui peuvent être des consommateurs de drogues injectables et/ou des clients des professionnel(le)s du sexe, la proportion globale de femmes vivant avec le VIH dans cette région augmente également progressivement (voir pages 47-56). Dans cette région, les femmes représentent 34% des personnes vivant avec le VIH, par rapport à 33% il y a deux ans. En Fédération de Russie, qui connaît la plus importante épidémie de la région, la proportion de femmes parmi les personnes diagnostiquées séropositives au VIH est passée à 38% en 2003, par rapport à 24% en 2001 (Russian Federal AIDS Centre, 2004).

Tout comme l’Europe orientale, certaines parties de l’Asie connaissent des épidémies de SIDA qui se répandent dans et entre des groupes particuliers de la population – par exemple les professionnel(le)s du sexe ou les consommateurs de drogues injectables – puis dans la population générale, les femmes et les jeunes filles étant touchées de manière croissante. En Asie de l’Est, les femmes constituent 22% de tous les adultes vivant avec le VIH et 28% des jeunes (de 15 à 24 ans) vivant avec le VIH. En Asie du Sud et du Sud-Est, 30% des adultes (par rapport à 28% il y a deux ans) et 40% des jeunes vivant avec le VIH sont des femmes et des filles. Selon les estimations, les femmes représentent plus d’un quart des nouvelles infections à VIH en Inde, et 90% de celles qui fréquentent des consultations prénatales et dont le test se révèle positif affirment qu’elles n’ont eu qu’une seule relation à long terme (Cohen, 2004). La transmission du VIH entre conjoints est devenue une cause plus importante d’infection dans des pays comme le Cambodge, le Myanmar et la Thaïlande – qui, comme certaines parties de l’Inde, doivent déjà faire face à des épidémies graves. Il y a 12 ans, environ 90% de la transmission du VIH en Thaïlande se produisait entre les professionnel(le)s du sexe et leurs clients. Les projections montrent que, en 2002, environ 50% des nouvelles infections se passaient entre conjoints, lorsque les clients, présents ou passés, des professionnel(le)s du sexe transmettent le virus à leur épouse (Thai Working Group on HIV/AIDS Projections, 2001).

Partout dans le monde, l’impact croissant de l’épidémie sur les femmes se produit dans un contexte de graves inégalités entre les sexes, entre les classes et autres. Ce phénomène est aussi manifeste dans les pays industrialisés de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, où un quart environ des personnes vivant avec le VIH sont des femmes et où le VIH s’installe toujours davantage parmi les femmes qui appartiennent à des segments marginalisés de la population, notamment les minorités, les immigrants et les réfugiés (voir pages 69-74). Les femmes africaines-américaines et hispaniques, par exemple, constituent moins d’un quart de toutes les femmes des Etats-Unis d’Amérique, mais à la fin du siècle dernier, elles représentaient 80% des cas de SIDA notifiés parmi les femmes (US Centers for Disease Control and Prevention, 2002).

L’Amérique latine présente un tableau très hétérogène avec les taux les plus élevés d’infection du côté caraïbe du continent, les pays andins étant les plus faiblement atteints.

L’ignorance concernant le VIH et la sexualité est très répandue


Les normes sociales imposent une ignorance dangereuse aux filles et aux jeunes femmes, dont on attend généralement qu’elles ne sachent pas grand-chose des questions sexuelles. Ce manque de connaissance amplifie le risque qu’elles soient infectées par le VIH. Dans de nombreux pays, la plupart des jeunes femmes ne savent pas comment se protéger de l’infection à VIH, comme le montre la Figure 4. Dans des pays comme le Cameroun, le Lesotho, le Mali, le Sénégal et le Viet Nam, deux tiers ou davantage des jeunes femmes (de 15 à 24 ans) ne pouvaient pas citer trois méthodes de prévention du VIH au cours d’une enquête. En République de Moldova, Ukraine et Ouzbékistan, plus de 80% des jeunes femmes ne disposaient pas de cette information. Les connaissances concernant les questions sexuelles en général sont aussi étonnamment faibles dans de nombreux endroits. Une récente étude conduite parmi des jeunes mariées d’Uttar Pradesh, en Inde, par exemple, a révélé que 71% des femmes (dont toutes s’étaient mariées avant la puberté) ne savaient rien au sujet des rapports sexuels lorsqu’elles avaient commencé à vivre avec leur mari, et 83% ne savaient pas comment une femme devenait enceinte (Khan et al., 2004).

Jusqu’à ce que la mort nous sépare


Mettre en place des programmes qui tentent de persuader les jeunes filles de s’abstenir de rapports sexuels jusqu’au mariage ne rendra guère service à de nombreuses jeunes femmes. A certains endroits, le principal facteur de risque d’infection à VIH pour une femme est le fait qu’elle est fidèle à un conjoint qui a – ou a eu – d’autres partenaires sexuels. Parmi les jeunes filles de 15 à 19 ans sexuellement actives dans les villes de Kisumu (Kenya) et de Ndola (Zambie), une étude multicentre a relevé que les niveaux d’infection à VIH étaient de 10% plus élevés pour les filles mariées que pour les célibataires sexuellement actives (Glynn et al., 2001). Dans les zones rurales d’Ouganda, parmi les femmes de 15 à 19 ans infectées par le VIH, 88% d’entre elles étaient mariées (Kelly et al., 2003). La raison en est que les jeunes femmes, et notamment les adolescentes, épousent souvent des hommes beaucoup plus âgés qu’elles et que ces hommes ont une forte probabilité d’avoir eu d’autres partenaires et donc d’avoir été exposés au VIH.

Il est essentiel de réduire les taux d’infection chez les femmes et les filles si l’on veut maîtriser le SIDA. Les programmes actuels de prévention n’y parviennent pas.


L’information et la sensibilisation ne suffisent pas. Pour que les efforts de prévention soient à long terme couronnés de succès, il doivent s’attaquer aux interactions entre les inégalités sexospécifiques et socio-économiques et la vulnérabilité au VIH. Les activités de prévention doivent tenir compte des conditions injustes dans lesquelles la plupart des femmes doivent mener leur vie. Les stratégies doivent aborder le fait que, pour des millions de personnes, les rapports sexuels peuvent être l’une des rares formes valorisées de capital dont elles disposent (Stephenson et Obasi, 2004 ; Cates, 2004). Une bonne partie des risques pris par les filles et les jeunes femmes est marquée par l’inégalité des rapports entre les sexes et de l’accès aux ressources, aux avantages, aux possibilités d’obtenir des revenus et au pouvoir social. Il faut faire bien davantage pour assurer des moyens d’existence durables aux femmes et aux filles, en particulier celles qui vivent dans des ménages gérés par des femmes, afin qu’elles soient en mesure de se protéger de l’infection à VIH et de faire face à ses effets. Améliorer les chances économiques et le pouvoir social des femmes devrait faire partie intégrante des stratégies potentiellement fructueuses et viables de lutte contre le SIDA.

Mettre au point et distribuer des microbicides


Les microbicides offrent la promesse d’un outil de prévention que les femmes pourraient contrôler. La modélisation indique qu’un microbicide même efficace à 60% seulement pourrait avoir un effet important s’il était introduit dans les 73 pays du monde aux revenus les plus faibles. Si un tel produit était utilisé par 20% seulement des femmes déjà en contact avec les services de santé, il permettrait d’éviter 2,5 millions de nouvelles infections parmi les femmes, les hommes et les enfants en trois ans.

Un microbicide de première génération pourrait être prêt à la distribution d’ici cinq à sept ans. Mais pour que cela se produise, les investissements dans la recherche et la mise au point de microbicides doivent être rapidement et considérablement élargis afin que des microbicides peu coûteux et très efficaces dotés de nouveaux mécanismes d’action puissent être testés dans des sites expérimentés à forte incidence. Actuellement, la structure d’encouragement du marché privé n’apporte pas suffisamment de fonds pour les microbicides, malgré le fait que les estimations suggèrent qu’un produit efficace pourrait représenter d’ici à 2020 un marché de 1,8 milliard de dollars (Access Working Group, 2000). Des ressources considérablement accrues sont nécessaires pour faire en sorte que les essais des microbicides candidats les plus prometteurs puissent se dérouler sans délai et que le travail préparatoire à une distribution efficace des produits s’effectue dès maintenant.
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