Ruban rouge Chicago Tribune
L'épidémie du Sida s'ajoute aux malheurs d'Haïti

Enfant malade du Sida

UNAIDS

Organisation Mondiale de la Santé
12 juillet 2000, PORT-AU-PRINCE, Haïti

Malgré leur malheur, les 34 orphelins qui habitent au foyer "Arc-en-ciel” ont de la chance car des milliers d’autres sont dans la rue et dans la misère. Ils ont perdu leurs parents victimes du SIDA, et, 28 d’entre eux, âgés pour la plupart de moins de 6 ans, sont aussi infectés par le virus HIV responsable de la maladie. Plus qu'un orphelinat, le foyer Arc-en-ciel est à la fois l’image de la tragédie profonde que connaît Haïti et le courage du peuple haïtien.

Seule institution de cette sorte dans un pays qui compte environ 190’000 orphelins du SIDA dont beaucoup sont eux-mêmes séropositifs, le foyer Arc-en-ciel est une oasis importante mais minuscule dans l’horizon morbide de cette épidémie. Situé dans la banlieue de Boutilliers, au-dessus de Port-au-Prince, capitale polluée d’Haïti, le foyer Arc-en-ciel occupe un manoir jadis propriété de la famille de Michelle Duvalier, épouse de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier dit “baby doc”. La maison a été saccagée et pillée par la population après le renversement de Duvalier en 1986, au cours d’une orgie de destruction vengeresse connue sous le nom de « dechoukaj ».

Il y a cinq ans, le gouvernement haïtien a confié ce manoir à un couple Haïtiano-Canadien. Ces derniers l’ont réhabilité et y ont installé le foyer Arc-en-ciel.

Entre-temps, les puissances industrialisées se creusent les méninges pour trouver une solution équitable. Celle qui permettra de répartir au mieux, entre investisseurs avisés, le profit de ce juteux marché de vaccins, de tri-thérapies, de cocktails de drogues en tous genres. Comme il faut un retour sur investissement, le commerce lié au SIDA ne se fait qu’avec ceux qui peuvent payer.

Selon les estimations réalisées par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 1998, Haïti compte environ 335.000 adultes touchés par le virus HIV, soit environ 4,5 pour cent de la population adulte du pays. Toutefois, la situation d'Haïti n'est pas aussi catastrophique qu'en Afrique subSaharienne où certains pays enregistrent des taux d'infection atteignant jusqu'à 36 pour cent de la population adulte.

En outre, la propagation du SIDA en Haïti, quoique importante, n’est pas la plus élevée de l'hémisphère occidental. Par comparaison, en 1998, le taux d'infection en Europe de l'Ouest était de 2,5 pour cent et de 5.6 pour l'Amérique du Nord, toujours selon l'organisation mondiale de la santé.

A fin 1998, environ 300.000 Haïtiens sont morts du SIDA, soit entre 100 et 150 personnes par jour. Cela constitue un lourd tribut pour un pays d'environ 7 millions d'habitants. La mortalité due au SIDA a diminué l'espérance de vie à 47,4 pour les hommes et 51 ans pour les femmes.
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Tabous et démentis

À la différence des nations occidentales qui ont pu contenir la progression de la maladie par des campagnes publiques de prévention et des traitements médicaux coûteux, Haïti est toujours au point de départ dans son combat contre le SIDA. Des facteurs tels que les tabous culturels et la désinformation du gouvernement ont rendu caducs tous les efforts pour contrôler l'expansion de la maladie.

Au début des années 80, Haïti à été injustement désignée comme étant la source de l'épidémie du SIDA et son image en a été considérablement ternie. Ces allégations ont très vite eu des conséquences désastreuses sur la situation économique du pays. Entre 1980 et 1983, l'industrie du tourisme, une des plus importantes sources de devises étrangères du pays, s'est effondrée.

Selon les médecins qui sont sur le terrain, la croyance aux malédictions et aux esprits ainsi que l'opprobre dont sont l’objet les malades rendent la communication difficile. Un certain nombre de groupes de support aux malades ont pris naissance dans toute la capitale, y compris un groupe de soutien aux homosexuels.

Finalement, c'est le chaos politique perpétuel et la pauvreté du pays qui empêchent le développement d'une lutte efficace contre le SIDA. Le début de l'épidémie a coïncidé avec les dernières années de la dictature de Duvalier, dans le milieu des années 80, et le jeu des chaises musicales qui s'en suivit au palais présidentiel.

En 1991, le renversement de Jean-Bertrand Aristide a été suivi de trois années de dictature militaire puis d’une invasion de l'armée américaine pour assurer son retour à la présidence. Les querelles politiques depuis 1997 ont immobilisé le gouvernement, dilapidé pratiquement toute l'aide internationale et empêché la mise en place d’une action politique capable d’apporter des solutions au défi du SIDA et d'ailleurs à tous les autres défis.

Des études ont démontré que le SIDA s'est probablement répandu dans les campagnes pendant le règne de la terreur imposé par les militaires après la déchéance d'Aristide, lorsque de jeunes hommes – dont un grand nombre étaient déjà contaminés -- ont du fuir la capitale pour se réfugier dans les villes de province. Néanmoins, le taux d'infection à Port-au-Prince reste au moins deux fois plus élevé que celui dans des zones rurales.

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Pauvreté et ignorance

Le Docteur Arthur Fournier, directeur de l'école de la santé communautaire à l'université de médecine de Miami, qui dirige un programme de formation pour des médecins de famille au Cap-Haïtien, pense que le développement du SIDA en Haïti est facilité par la pauvreté et l'ignorance.

Les interventions de ses étudiants dans les orphelinats en Haïti, montrent, par exemple, que la moitié des enfants séropositifs sont également atteints de la tuberculose, principale épidémie du pays.

Malheureusement, les récents médicaments appelés "rétrovirus" qui ont diminué le taux de mortalité des personnes séropositives aux États-Unis et en Europe de l'ouest, sont presque inexistants en Haïti. Les raisons principales sont le coût exorbitant -- environ $1.000 par mois -- et l’assistance médicale de haut niveau indispensable.

Selon Norberto Martinez-Cuellar, médecin colombien responsable de la mission de l'organisation Panaméricaine de la santé à Port-au-Prince, le coût du traitement et de la surveillance médicale est si excessif qu'il absorberait la totalité du budget national pendant les 10 années à venir si on voulait combattre efficacement l'épidémie du SIDA dans le pays.

Quelques programmes de lutte contre le Sida et d'éducation sexuelle commencent à donner des résultats. Par exemple l'utilisation des préservatifs, malgré son association avec la prostitution dans l’esprit de beaucoup d'Haïtiens, a augmenté d'environ 30 pour cent parmi les hommes sexuellement actifs.

Un accord signé au mois de mai 2000 entre l'ONU et les cinq principaux fabricants mondiaux de médicaments, vise à permettre aux pays pauvres d’acheter les médicaments les plus récents à un coût réduit. Cet accord facilitera, certainement, l’accès aux soins nécessaires aux personnes malades du SIDA en Haïti.

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