1928
Chanteuse, danseuse, actrice…, elle s'est révélée,
ici autant qu'à l'étranger, plus qu'un témoin,
l'une des zélées protagonistes d'un mouvement culturel
en pleine affirmation.
Fille du chanteur-compositeur haïtien Auguste de Pradines,
Ti-Candio, Emerante, pour n'avoir connu, dès son plus jeune
âge, qu'une chaleureuse atmosphère artistique entretenue
dans la maison familiale et pour avoir eu par ailleurs, très
jeune, le privilège, rare à l'époque de se
frotter à la culture populaire et au vodou, vit et laisse
à voir son parcours comme tracé d'avance.
Souvent enfant, Emerante chantait avec son père. Aux acquis
gagnés à cet environnement de poésie, de musique
et de danse viendra se greffer une formation musicale parfaite sous
la coupe de Lina Mathon-Blanchet et avec René Bélance
comme introducteur de chant. Ainsi donc, à 10 ans déjà,
sans peine aucune, elle fait ses premières prestations à
la radio en récitant des poèmes dans une émission
culturelle. Plus tard, autour de 1942 - 1945, une présence
assidue sur scène la donne à apprécier aux
côtés des acteurs les plus réputés et
dans les grandes pièces de l'époque dont Fifine
et Toutou, La Famille des Pitite-caille, Lococia, Sanite Belair
de Jeanne Perez (où elle chantera sa première chanson
vodou sur scène), Le Baiser de l'Aïeule de Dominique
Hyppolite, Barrières de Dorsinville(1)...
C'est aussi à cette époque que répondant aux
invitations répétées des représentations
étrangères en Haïti, notamment celles des USA,
du Chili, de France…, Emerante de Pradines s'y produira dans
des spectacles de danse ou de chant (où se révélera
d'ailleurs le talent de Martha Jean-Claude qui l'accompagnait souvent
en seconde).
De toutes ces sollicitations, c'est pourtant la danse qui, semble
alors gagner le cœur et l'avenir d'Emerante. En 1947, une première
bourse d'études l'amène à New-York, à
l'Ecole de danse moderne et primitive de Katherine Dunham où
elle apprend puis enseigne la technique Dunham que, bientôt
après, de 1950 à 1954, elle introduit en Haïti
avec la fondation de La Troupe haïtienne de danse. Dans l'euphorie
et la fièvre qu'on connaît à cette époque,
elle sera également membre et actrice de la Société
Nationale d'Art Dramatique, directrice de la section féminine
de la Troupe folklorique nationale (elle y rencontre Lumane Casimir
pour la première fois en 1952) et trouvera de temps du reste
pour l'animation de l'émission radiophonique «L'heure
de l'Art».
En 1954, une deuxième bourse de la Fondation de Parapsychologie
ravira à Haïti, et pour plus d'une trentaine d'années
cette fois, la dynamique Emerante. De retour à New-York elle
poursuit ses études sur les techniques de danse moderne à
l'Ecole Martha Graham et entreprend des travaux en Anthropologie
à Columbia University où elle rencontre et épouse
le Professeur Richard McGee Morse. A Porto-Rico, où elle
est appelée à l'Inter American University en 1960,
pour la mise au point d'un curriculum de danse, plus tard, à
New Haven (Connecticut) où elle fonde et dirige pendant près
de vingt ans une école de danse, Emerante mènera une
carrière artistique et professionnelle dont, dans son pays,
on parlera que peu même à son retour définitif
à la fin des années 80.
Depuis 1993, Emerante de Pradines dirige avec son mari, l'Institut
haïtien de l'Amérique Latine et des Caraïbes qu'ensemble
ils ont fondé et qui se propose d'étudier la culture
et les institutions de la Caraïbe tout en établissant
un service d'échanges et de coopération entre les
pays de la Région.
Concerts:
New-York, Boston, Los Angeles, San Francisco, Montréal,
Québec, et New Haven (Connecticut)
Disques:
Voodoo
Original Meringues (Remington)
Creole Folk songs of Haïti (Folkways Records)
* Basé sur l'interview de Emerante de Pradines par Peter
Anderson Saint Fleur.
(1) Georges Corvinton op cit, p234 et suiv.
Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI
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