Femmes d'Haïti
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Catherine Flon


Dans la galerie de nos célébrités féminines et de nos héroïnes, une place à part, nous semble-t-il, doit être faite à Catherine Flon, Cécile Fatiman, prêtresse bien connue du Bois-Caïman, et Défilé. De quelque côté qu'on les regarde, en effet, ces femmes paraissent ne devoir leur renom qu'au fait particulier d'une action, laquelle, pour évidemment majeure, ne semble pas moins revêtir, dans leur parcours même, un caractère unique, fugace, sans véritable lendemain. Tout se passe comme si, toutes entières dans ce moment qui a vu leur gloire, importaient peu pour elles les repères biographiques et encore moins ces garants éprouvés de la renommée que sont la continuité, la constance, l'étendue qui, dans ce cas précis, voient leur rôle de socle habituel de célébrité le céder volontiers et très largement à celui plus palpitant d'un geste lequel, intervenant de manière inattendue, à un moment-clé, capital, s'empare du nom, le pérennise et le voit comme définitivement associé à une situation qu'il aura, par un juste retour des choses, comme pour mission d'évoquer à son tour. Ainsi en sera-t-il de Catherine Flon qui verra son nom légué à la postérité, et, par delà ce moment capital du Congrès de mai 1803 de l'Arcahaie, définitivement associé au drapeau haïtien, et cela, du fait très simple que, s'offrant pour réunir les deux bandes d'un drapeau sur pied de guerre, elle aura le geste essentiel qu'il fallait, ce geste réclamé à grands cris par le moment, celui combien fécond de permettre ainsi à un symbole de s'exprimer, en naissant au jour.

Deux versions de l'Histoire retenues:

1) «Aux yeux de la masse ignorante des Noirs, le drapeau tricolore symbolisait l'union des trois classes de la colonie: les Blancs, les jaunes, les Noirs. D'un geste vif, Dessalines supprima la couleur blanche». Catherine Flon aurait alors réuni les bandes bleu et rouge et les aurait cousues en utilisant ses cheveux comme fil.(1)

2) La deuxième version veut qu'une fille de Dessalines fut maltraitée par un colon sur l'habitation duquel elle serait restée comme servante dans le but évident de rapporter ce qui s'y passait. Dessalines ayant vu sa fille en sang, aurait déchirée sa jupe bleue, pris son foulard rouge et demandé à Catherine Flon de les réunir en s'exclamant: «Jamais, plus jamais, un Francais ne frappera nos filles. Liberté ou la mort». On présente en faveur de cette version l'argument que le bleu du drapeau haïtien ne serait pas identique au bleu francais.

(1) J.C.Dorsainvil, Histoire d'Haïti.

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

www.haiticulture.ch, 2005